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Tempi passati
4 janvier 2015

Le journal de Jules et Edmond de Goncourt

Cela fait de nombreuses que j'ai acquis cet ouvrage célébrissime et qu'il reposait dans ma bibliothèque sans que je l'ai lu. Quand je travaillais, j'étais près du Passage Vivienne et souvent pendant l'heure du déjeuner j'allais y faire un tour et ne pouvais m'empêcher d'entrer chez le libraire au bout du passage où l'on trouve des ouvrages anciens, certains à des prix dérisoires alors qu'ils sont d'une importance historique et littéraire majeure. On y fait des trouvailles dont le libraire lui-même ne connait pas l'existence dans cette véritable caverne d'Ali Baba.

Ainsi je tombais un jour sur une brochure de la pièce de Jules Renard, Le Pain de ménage et stupéfait découvrais qu'il avait appartenu à Yvonne Printemps l'une des épouses de Sacha Guitry. Elle avait dû travailler le rôle de Marthe bien que ne l'ayant pas joué à la scène. Brochure entièrement annotée de sa main. Une autre fois ce fut un Guerre et Paix de Tolstoï en édition numérotée non coupée, avec un dessin au fusain attribué à Picasso que je n'ai toujours pas fait expertiser. Je découvrais de la même façon un exemplaire de l'édition définitive du Journal des Goncourt édité sous l'égide de la célèbre Académie fondée par Edmond.

Comme encore de nombreux livres de ma bibliothèque il était resté non lu, soigneusement rangé dans celle ci. J'ai ainsi l'intégralité de la réédition en fac similé de l'édition Hetzel des romans de Jules Vernes magnifiquement réalisée par Michel de l'Ormeraie, faite dans les éditions 70. Plus de 80 volumes! J'en ai lu quelques uns et de temps en temps pour changer de style et me redonner un "coup de jeune", me plonge dans un des romans; en ce moment en parallèle au Journal ci-dessus , c'est l'Ile mystérieuse!

J'en suis au quatrième tome du Journal des Goncourt. Journal passionnant. Véritable fenêtre sur la seconde moitié du monde artistique du XIXe siècle. Témoignage d'une vie de deux frères inséparables, unique dans l'histoire du monde. On entre dans leur intimité et dans la vie de tous les jours de cette période, ce qu'aucune biographie si bien écrite soit-elle, ne saura jamais donner. On a souvent médit sur ces deux frères, les traitant entre autres de vraies commères. Accusation injuste car on ne trouve aucune médisance dans ce journal. 

Si vous le comparez par exemple à celui du Comte de Viel Castel dont j'ai parlé ici, et qui traite de la même période du second empire entre autres, le second n'a pas volé son surnom de "Fiel" Castel!

Les Goncourt nous font vivre les dîners au restaurant Magny à Paris (Il existe encore aujourd'hui sur la rive gauche et est un restaurant Japonais après avoir été un restaurant universitaire! Voilà comment on traite un lieu historique en France aujourd'hui. Madame la ministre de la Culture ne lit pas c'est vrai, j'oubliais et ses prédécesseurs n'attachaient sans doute pas beaucoup plus d'importance à ces lieux chargés d'histoire et de culture de notre capitale depuis plus de 30 ans). On trouve réunis à table, Flaubert, Georges Sand, Sainte Beuve, le peintre Gavarni, les Dumas et bien d'autres figures majeures de la littérature et de la société française de l'époque. Les auteurs nous emmène chez la Princesse Mathilde dans son salon de Saint Gratien, on y assiste à ses discussions souvent animées avec le peintre Giraud et bien d'autres invités, on y découvre une femme pleine d'humanité, d'une sensibilité incroyable, faisant de la peinture tout en discutant avec ses proches amis.

Je suis arrivé au quatrième tome du journal (Il y en a 10) de 300 pages, entièrement consacré aux années 1870 et 1871. Là c'est le choc sur le compte rendu quasi heure par heure du siège de Paris et des infamies des Communards. Le livre débute par le suivi de la triste fin de Jules de Goncourt atteint de la syphilis et qui meurt ainsi à 39 ans dans d'horribles souffrances devant son frère effondré et impuissant. Le compte rendu fut réalisé bien après et considéré avec un certain mépris et pourtant combien c'est humain de vouloir s'exorciser de nos drames en en parlant pour ne pas devenir fou. Que faisons nous d'autres ici avec nos blogs modernes?

Puis c'est le siège de Paris, la débandade de l'armée, un Paris pilonné par les obus Allemands. La faim et la famine dans toute son horreur. A peine le conflit terminé voilà la Commune et la guerre civile qui prend la suite. Jules nous montre le comportement scandaleux de ces gauchistes qui vantent l'égalité et la fraternité mais dans les faits ne sont que de viles crapules conduites par des noms célèbres encore aujourd'hui et glorifiés par la gauche qui s'accroche à des principes qui ne tiennent pas la route mais qu'elle refuse de voir en face car en permanence, vivant dans un doux rêve égalitariste et utopique. Là encore paysage d'apocalypse que l'on suit rue par rue, quartier par quartier de Paris ou de proche banlieue, ces Champs Elysées transformés en hôpital de fortune tandis que les bombes tombent près de la place de l'Etoile! L'hôtel de ville en ruine!

Visions dramatiques qu'aucun livre d'histoire ni professeur du secondaire ne font revivre à leurs élèves pour ne pas ternir l'image de leur chers idoles de gauche! Et pourtant c'est avec cette façon de présenter l'histoire que vous faites aimer cette discipline et faites réfléchir une jeunesse qui aujourd'hui balaie du revers de la main le passé de son pays et méprise ses ainés.

Si vous ne l'avez pas lu je vous conseille de trouver une édition, ce serait quand même étonnant que même en livre de poche ce journal ne soit pas édité. Notre passé explique bien des comportements modernes 150 ans plus tard et doit faire réfléchir et évoluer notre appréhension des évènements que nous vivons et les décisions et appuies que nous devons apporter ou pas aux délires tout éveillés de certains de nos contemporains. 

 

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