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Tempi passati
24 août 2020

Biographie de Jean Moulin par Daniel Cordier

Tout d'abord, Bon anniversaire monsieur Cordier. 100 il y a 15 jours! Quelle vie, quel talent, quelle force de caractère.

Combien d'individus auraient le courage d'écrire noir sur blanc, qu'ils furent antisémites et soutien de l'Action Française, qu'ils avaient fait fausse route et ont revu leur façon de penser vers 20 ans.

Pour ceux qui ne le sauraient pas, Daniel Cordier fut le secrétaire de Jean Moulin de 1942 jusqu'à l'arrestation de ce dernier. Jean Moulin aura une influence majeure sur sa façon de penser écrira-t-il dans son livre autobiographique "Alias Caracalla" que j'ai commenté ici. Non seulement il lui montrera qu'être antisémite n'est pas acceptable, le mot est faible, mais il fera découvrir au jeune homme de 19 ans l'art et la peinture moderne. Plus tard Daniel Cordier en fera sa passion et deviendra un collectionneur et un expert reconnu dans le domaine de la peinture contemporaine.

Au départ Cordier voulait comme bon nombre d'acteurs de la sombre période de l'occupation, mettre en sommeil ces souvenirs d'une période si tragique dont il fut un des acteurs en coulisse.

Le procès de René Hardy en 1947 l'empêcha de poursuivre ce désir momentanément; l'accusé était soupçonné d'avoir trahi Jean Moulin et permis son arrestation par la Gestapo à Caluire en 1943. Cordier témoigna à charge au procès qui acquitta Hardy in fine.

Dès lors ayant abandonné toute activité politique, référence à la Résistance même s'il participe à la création du Club Jean Moulin en 1960, à la fin des années 1970, choqué par ce qu'il considère comme des calomnies contre Jean Moulin (en particulier les accusations d'Henri Frenay, qui en fait un agent crypto-communiste), Cordier entreprend des recherches historiques pour défendre la mémoire de son ancien patron.

Il mettra plus de dix ans sauf erreur pour publier la monumentale biographie de Jean Moulin, "Jean Moulin, L'inconnu du Panthéon". Cet ouvrage devait comporter 6 volumes, il semble sauf erreur que seuls les trois premiers aient vu le jour; j'ai beau chercher je ne trouve pas les trois derniers s'ils ont été publiés.

Ces trois volumes, dont je viens de terminer la lecture des deux premiers, sont passionnants; près de 1000 pages suivies de plus de 400 pages de notes, annexes, extraits d'articles et correspondances. Il n'est pas une affirmation que Cordier ne soit à même de justifier par des documents; il dit expressément dans son texte que s'appuyer sur des souvenirs ne doit être qu'en dernier ressort pour l'historien car ils sont souvent embellis par leur auteur, ou simplement marqués par l'oubli. Lors d'un colloque en 1983 sur le CNR, il dut mettre sous les yeux incrédules de Christian Pineau le document écrit qui prouvait que ce dernier avait songé le premier (fin 1942) à un projet de Conseil de la Résistance ; Pineau, sans se souvenir de l'épisode, refusa malgré tout de le croire.

J’entame le troisième tome. On reste scotché devant le style clair, sans fioritures de l'auteur et le travail de fourmi que Daniel Cordier mit pour réaliser cet ouvrage. Il faut bien entendu lire aussi "Alias Caracalla " et "Les Feux de Saint-Elme", complément du précédent où ce vieux monsieur qui n'a pas froid aux yeux et appelle un chat un chat, dit simplement qu'il est gay. A bon entendeur salut à ceux qui vous rejettent comme si d'une seconde à l'autre, votre intelligence, vos réalisations n'ont pas existé. Nombreux devraient en prendre de la graine.

En tous cas une biographie à lire et que bien des jeunes le devraient, pour apprendre ce que détermination, véritable sens civique et courage veulent dire à l'heure où eux et leurs ainés poussent des cris d'orfraies pour mettre un masque en tous lieux et toutes circonstances.

Voir également sur Public Sénat l'excellent film en deux parties inspiré de "Alias Caracalla" qui est rediffusé en ce moment.

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