Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
Tempi passati
26 janvier 2021

Seize the Trident de Douglas Burgess (2005)

Le livre de Douglas Burgess, “Seize the Trident” nous fait revivre l’histoire de la marine marchande pendant la période 1890-1919 sous un jour qui n’avait jamais été abordé.
Quel fut l’impact du développement progressif des grands transatlantiques sur l’environnement technologique, social et politique de l’époque et des décennies qui se succédèrent jusqu’à la fin du premier conflit mondial ?
On peut dire sans exagération que cinq hommes jouérent un rôle déterminant dans non seulement l’évolution du transport maritime mais également de celui socio-politique et économique de l’époque

Charles Algernon Parsons invente la première turbine à vapeur en 1884. Il travailla dans la conception de turbines et de dynamos et plus généralement dans la production de puissance. Ces travaux auront une grande influence dans le génie naval et électrique. Grâce à son invention les paquebots de l’époque purent passer d’une vitesse de quelques 10 à 15 nœuds aux 25 voire plus que nous connaissons aujourd’hui et qui firent la fortune des trois grandes compagnies maritimes de l’époque : Cunard, Hapag et White Star Line.

Les trois grandes firmes maritimes doivent leur essor aux grands hommes d’affaires ou financier que furent Albert Ballin (HAPAG) ,j. Bruce Ismay (White Star) et Samuel Cunard (Cunard) et J.P. Morgan.

Mais ces grands maîtres d’œuvre de l’industrie du transport maritime civil n’auraient pas eu l’influence qu’ils ont eu sans le concours pour la Grande Bretagne de son Amirauté, pour l’Allemagne de l’Empereur Guillaume II.

La course à la vitesse et à l’obtention du célèbre Ruban Bleu, de même que la course au luxe des aménagements conçus en particulier par Charles Mewès qui transposât sur ces grands paquebots que furent le Teutonic, le Titanic, l’Olympic ou les Kaiser et Krönprinz et Vaterland allemand, sa réalisation du splendide Hôtel Ritz de la Place Vendôme, eurent un impact majeur sur la croissance économique des USA.

Ces réalisations permirent en effet de faire passer d’à peine une centaine d’émigrants depuis le vieux continent à plusieurs milliers chaque semaine vers le nouveau monde. Cet afflux massif trouvait sa justification coté européen par les crises politiques à répétition et par le besoin de main d’œuvre du continent américain pour aider à l’exploitation tant agricole qu’industrielle de territoires jusque là encore vierges.

Sociologiquement parlant les immigrants trouvaient enfin des conditions de transports plus humains que ceux des fonds de cales de troisième classe nids de maladie en tous genres voire de mort. Même si les trois classes à bord étaient strictement séparées, il n’empêche comme le dit l’auteur que se réalisait à bord un contact entre cultures différentes qui peut dans une certaine mesure présager ce que sera plus tard l’esprit à l’origine de la SDN et après le second conflit mondial, de l’ONU.

Le point éminemment négatif de ce développement maritime sera le nationalisme de plus en plus exacerbé qui malgré une compétition entre les compagnies marquée par un certain fair play, aura un impact non négligeable sur le caractère de plus en plus agressif de l’empereur allemand aboutissant à la grande guerre.

Bien entendu cette course au gigantisme eut ses tragédies : celle du Titanic en 1912 faisant près de 1500 morts faute d’équipements de sauvetage en nombre suffisant, celle du Lusitania qui malgré les mises en garde répétées avant son départ de New York cinq an plus tard causera la mort de 1200 morts parmi ses 2000 passagers et membres d’équipage. Dans le premier cas de nouvelles règles furent mises en œuvre pour assurer la sécurité des passagers en cas sinistre majeur, là encore les excès atteindront des sommets comme celui d’un des paquebots géants de la Hapag qui en comptant 82.

De même la tragédie du Lusitania fut un tournant majeur dans la façon de concevoir les hostilités, passant d’un comportement de gentleman à celui de guerrier sans scrupules ni état d’âme.

De même d'un point de vue strictement miliaire cette capacité à transporter vers les champs de batailles un nombre important de combattants aura une impact indirect sur la catastrophe de l'équipée britannique vers les Dardanelles dont Winston Churchill qui se croyait un grand stratège, fut l'initiateur. Il renouvellera la même erreur lors du second conflit mondial en Grèce mettant en même temps à mal la première percée britannique en Lybie vers la Tunisie.

Par contre il n’est pas faux de dire que sans la volonté de l’amirauté britannique et allemande de rendre convertibles en navires de guerre les unités des grandes compagnies de transport transatlantique, cette course au gigantisme permettra in fine aux alliés de gagner le premier conflit mondial. Ce sont quelques 2 millions d’hommes que les USA pourront transporter d’une rive à l’autre de l’Atlantique pour soutenir les troupes Franco-anglaises. Ceci n’aurait pas été possible avant l’arrivé du Vaterland transformé en Leviathan en 1917. La grande erreur de l’Amirauté Allemande fut de ne pas rapatrier immédiatement les grands paquebots amarrés devant New York lors de la déclaration de guerre. Ils restèrent entrain de rouiller à quai jusqu’à l’entrée en guerre des USA qui alors les considèrent comme prises de guerre.

Ce sont ces différents aspects de l’impact du développement de la marine civile qu’analyse magistralement en quelques 300 pages Douglas Burgess, spécialiste de l’histoire du transport maritime mais aussi de la piraterie au cours de la période du XVII au XIXe siècle.

Un livre hélas non disponible en version française, encore une lacune à combler.

Claude

 

Publicité
Publicité
Commentaires
Publicité