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30 octobre 2021

Souvenirs Dramatiques d'Alexandre Dumas père

Encore un Dumas! Eh oui! Dumas, ce sont 140 romans et contes mais aussi et d’abord plus de 100 pièces de théâtre écrites dès l’âge de 20 ans jusqu’à sa mort en 1870 ! Je sais il a fait appel à ce que l’on appelle « nègres » mot devenu pour certains une connotation raciste, il faut bien que certains justifient leur présence dans le monde de la soit disant protection de la langue française et du bien pensant libertaire et égalitaire que très souvent ils sont les premiers à enfreindre allègrement ; remarquez ensuite on va à confesse et on est absout et tout va bien dans le meilleur des mondes pour pouvoir recommencer. Enfin n’en parlons plus, on va encore me traiter de mauvaise langue et de mauvais esprit ! Ce texte n’est pas là pour philosopher sur le comportement et la morale humaine tant mise à mal depuis la nuit des temps !

Dumas Père a publié Ma Jeunesse (1833) , Comment je devins auteur dramatique (1833), Mes Mémoires (1852-1854), et Souvenirs de 1830 à 1842, 1854-1855, réédités en 2013 sous le titre « Souvenirs dramatiques » avec une préface de Pierre-Louis Rey chez Maisonneuve et Larose.

C’est de ce dernier livre dont il s’agit ici. En quelques 300 pages le grand auteur conclue bien avant sa disparition l’histoire de sa vie, enfin presque. Car en réalité pour une grande part du récit, il s’agit d’une analyse de l’histoire du théâtre, de celles des œuvres de Shakespeare, de la façon dont les gouvernants de l’époque soutiennent ou non l’activité théâtrale et contribue à son développement et à l’enrichissement ou non de notre patrimoine culturel.

Mais il y a évidemment les souvenirs personnels, quelques règlements de comptes, mais aussi des témoignages de l’admiration qu’il porte à des auteurs contemporains comme celui porté à Georges Sand après l’adaptation à la scène de « Mauprat » roman publié en 1837 et joué en 1853 à l’Odéon. Quel plus bel éloge que ceci :

« …C’est [George Sand] la princesse des mille et une nuit, dont les paroles étaient rares, mais qui laissait tomber une perle avec chacune de ses paroles ».

Il conclu ainsi l’avant dernier chapitre de ses souvenirs où analysant la pièce et critiquant non pas l’ouvrage mais d'une manière générale  l’adaptation à la scène d’un grand roman historique du point de vue du risque que les interprètes prennent à ne pas pouvoir vraiment incarner toutes les facettes tant physiques que psychologiques des personnages développés dans le roman original.

A ce propos Dumas compare sa façon de créer un roman à celle de George Sand. Lui a dans la tête la totalité du roman bien avant de prendre la plume tandis que la grande romancière lui donne naissance au fur et à mesure de la survenance des idées tout en écrivant.

Nous comprenons alors pourquoi le style de Dumas dans ses romans est si vivant ; il les a conçu dans sa tête comme une œuvre à mettre en scène.

Une telle déclaration devrait mettre un terme aux critiques faites à Dumas de s’être servi de tiers pour écrire les œuvres majeures de sa bibliographie. Maquet et d’autres furent des chercheurs, des bibliothécaires chargés de réunir les documents indispensables à l’écriture de l’ouvrage. C’est vrai que souvent il ne les cite pas et qu'aujourd’hui où les génériques de films et de productions télévisées vont jusqu’à citer le nom du chauffeur de taxi ayant conduit au studio Madame Une Telle, Dumas aurait fort à faire avec leurs avocats! Il parait que le chauffeur a un rôle de créateur dans l’œuvre !

« Les souvenirs dramatiques » transpirent si je puis dire le style du maître des Trois mousquetaires et du Vicomte de Bragelonne mais aussi du grand auteur dramatique souvent négligé comme le disait lors d’une conférence Jacques Sereys, sociétaire honoraire de la Comédie Française de la grande époque.

On trouve dans les quelques 100 pages du tome 1 (les souvenirs furent publiés en deux tomes à l’origine et le livre est ici un quasi fac-simile de l’édition originale), intitulé avec un clin d’œil par Dumas « Mon odyssée à la Comédie Française », toute la verve mais aussi son talent de dialoguiste voire de metteur en scène.

Il faut lire le long et désopilant passage où l’auteur reçoit Mlle Mars la grande prêtresse du théâtre Français, venu s’entretenir avec l’auteur de la future production de « Christine ». Il a 28 ans et se présente pour la seconde fois au redoutable comité de lecture qui a reçu la pièce après un épisode rocambolesque qui faillit bien déjà la faire rejeter avant que la diva âgée de 59 ans ne soit choisie pour ne pas dire qu’elle s’imposât au choix de Dumas pour interpréter le rôle titre. Le hic c’est que la comédienne venant visiter l’auteur pour parler de la pièce et de la distribution, ne s’attendait pas à voir un « gamin de 28 ans » lui tenir tête ! Crime de Lèse Majesté que Dumas paiera intérêt et capital. En pleine répétitions la tigresse tombera comme par hasard malade et les répétitions suspendues à répétition si l’on m’autorise le jeu de mot, feront que la pièce passera à l’Odéon où la grande rivale de la comédienne, Mlle George sera l’interprète de la création qui obtiendra un grand succès. Tout cela pourquoi ? Parce que notre auteur refusa de couper 20 vers qui ne plaisaient pas à Mademoiselle et qu’il avait maintenu dans un des rôles un des acteurs qui n’avait pas la faveur de son Altesse. Cela n’a pas dû changer aujourd’hui ne nous faisons pas trop d’illusions. En tous cas Dumas nous gratifie d’un compte rendu savoureux, répliques après répliques. Il fera de même plus tard quand la même comédienne viendra tenter de le fléchir pour la distribution de « Mademoiselle de Belle-Isle ». Là elle fait quand même profil bas, elle a 62 ans et ses «camarades» voudraient bien la pousser dehors! Ils y arriveront plus facilement semble-t-il que lors de la mise à la retraite de Jean Yonnel qui jouera plus de 120 fois Don Diègue jusqu’à son 72ième anniversaire en 1963 !

Voici donc un livre qui met un point final 15 ans avant sa disparition, aux souvenirs d’une vie d’une richesse sans précédent d’un auteur qui reste encore aujourd’hui en quelque sorte le Molière du roman.


C’est passionnant, c’est drôle à plusieurs endroits, c’est Dumas !

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