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Tempi passati
29 janvier 2015

Conclusion d'une lecture

Je viens de terminer la lecture du Journal des Goncourt tel que publié par l'Académie du temps de Lucien Descaves. Je ne trouve pas sur l'édition sa date ce qui est important car depuis la première publication de nouvelles éditions dont une critique en cours par La société des amis des frères Goncourt est en cours et en est à son 4eme volume (2 volumes parus en 2013 couvrant la période 1861-1864 soit le troisième tome du manuscrit original). Ceci est important à dire, car devant la menace de procès dans les dernières années de sa vie, Edmond recula devant la publication qui ne devait avoir lieu que vingt ans après sa mort et dans la postface du dernier tome de mon édition Lucien Descaves, qui fut l'un des présidents de l'académie, explique le pourquoi d'un certain nombre d'ommissions.

 Que conclure de cette lecture?

 D'abord que sans conteste on a là une peinture en temps réel d'une des époques les plus riches du monde littéraire et artistique Français. Comme je l'ai écrit dans un précédent article, on a beau le savoir, on reste stupéfait en imaginant ces tablées réunissant les plus grands noms de notre histoire littéraire. Cela ne s'y limite pas d'ailleurs puisque parmi les participants on trouve les noms de grands peintres, hommes de sciences, politiques (Gambetta par exemple) et bien d'autres. Seuls absents à de très rares exceptions, les musiciens. Dès le départ Jules le cadet avoue que tous les deux ne sont pas attirés par la musique. C'est leur droit. mais quel dommage de ne pas entendre Gounot, Bizet, Halévy et bien d'autres qui eux aussi ont marqué cette époque.  

Les à priori et je dirai presque les médisances sur le journal.

Je viens de lire à l'instant l'article ci-joint  http://www.magazine-litteraire.com/critique/retrouvaille/qui-etaient-freres-goncourt-07-11-2012-58259  signé en 2012 par Clémentine Baron. Elle écrit entre autres:

 "...Les plus belles langues de vipères du Tout-Paris

Le journal, tenu assidûment pendant des années, est devenu un document historique et sociologique important. Pourtant à l’époque, il a valu aux Goncourt une réputation de cancaniers invétérés. Il faut avouer qu’ils avaient parfois la main leste sur leurs contemporains. Ainsi, Balzac y est décrit comme «ignare et ignoble, ne sachant rien. Ouvrant de grands yeux à toutes les explications, bouffi de lieux communs, [avec] une vanité de commis-marchand». De Mallarmé, ils disent qu’«il faut le mettre à Saint-Anne», de Renan qu’il avait «une tête de veau qui a les rougeurs, les callosités d’une fesse de singe»… Quelle que fût leur mauvaise foi, ils répondaient aux critiques avec aplomb : «Si parfois nous nous exprimons avec l’injustice de la prévention ou l’aveuglement de l’antipathie irraisonnée, nous n’avons jamais menti sciemment sur le compte de ceux dont nous parlons." 

Quand  dans un autre passage, l'auteur de l'article dit que leurs œuvres ne sont plus publiées ou lues, cela est faut car il suffit de consulter la bibliographie du site de l'association mentionnée ci-dessus pour se convaincre du contraire. Je doute que les éditeurs s'amusent aujourd'hui à republier des ouvrages sachant par avance qu'ils n'auront aucun lecteurs. Ce ne sont pas des entreprises de bienfaisance et  ils ont à surveiller leur compte d'exploitation! 

J'ai lu et relu pour vérifier les faits, non, simplement il est facile de tirer un morceau de phrase de son contexte et ensuite de dire que son auteur médit sur la personne. On peut utiliser un terme, celui concernant Renan, tout simplement pour donner une impression de couleur, sans pour autant avoir une quelconque animosité contre la personne. A plusieurs reprises dans le journal les deux auteurs montrent leur admiration pour l'œuvre de Balzac. On peut être le plus grand écrivain du monde et être aussi parfaitement ignare de nombre de choses, c'est un fait et prétendre le contraire serait travestir la vérité. Wagner est un parasite incontestable et le nier serait une contre vérité, mais son œuvre musicale est immense et ses livrets ont autrement plus de tenue que les stupidités sans nom du livret du Trouvère de Verdi que j'aime pourtant comme magnifique partition.  Souvenons qu'en France tout particulièrement, on glorifie les gens après leur mort, ils ont toutes les qualités et c'est à qui ajoutera de la crème aux éloges du précédent alors que de leur vivant on les a considéré avec dédain. Sans doute ont-ils un style caustique, catégorique voire cassant, de la à les accuser de mensonges, c'est aller un peu fort. Un de mes amis m'a sorti qu'ils détestaient les femmes! Où a-t-il été cherché cela? Pourquoi alors est-il avéré que Jules est mort de la syphilis? Oh je vois pointer le soupçon d'homosexualité du fait de leur amour fraternel réciproque? Deux frères ou sœurs n'ont-ils pas le droit de l'avouer, de dire que la présence leur est indispensable, est-ce un crime de s'admirer? Voilà bien ce caractère destétable des français toujours envieux du bonheur et du succés d'autrui que l'on entoure d'un nuage savant de quand dira-t-on et de commérages salaces. Combien de fois Jules tout particulièrement vante la beauté et l'esprit de telle ou telle femme qui lui est présentée. Ce même ami va jusqu'à dire qu'ils médisaient sur la princesse Mathilde. Enormité que les 9 volumes viennent contredire; croit-il que la célèbre princesse, centre du monde artistique de son temps, les accueillerait dans son salon s'ils se permettaient pareil comportement à son égard? Jules transcrit une lettre accompagnant l'un des tomes du journal offert à la Princesse, on ne peut faire plus louangeur vis à vis du destinataire.. 

Amers? Oui et on le serait à moins devant la véritable cabale organisée par la presse contre leur œuvre et surtout lors des adaptations théâtrales de leurs romans principaux. Sont-ce des chef d'œuvres ou des nullités? je n'en sais rien ne les ayant ni lus ni vus sur scène. Mais tout de même, un des très grands nom du théâtre, Antoine, dont le théâtre encore aujourd'hui en tant que lieu de spectacle entretient la mémoire, sans doute un des très grands metteurs en scène au même titre qu'un Copeau ou Jouvet, ne se serait pas aventuré à monter une pièce  qu'il considérerait médiocre. La presse va jusqu'à préparer avant la première, sans avoir assisté à la générale, à la mise en pièce de l'adaptation qu'elle n'a pas lu, déclarant par l'intermédiaire d'un de ses représentants la veille, "demain on empêche d'aller au bout du spectacle"! Quelle jolie image d'une profession que voilà! Cela n'a d'ailleurs pas changé; je me souviens, pour un film cette fois, dont j'ai oublié le nom, du compte rendu qui en fut fait sur un site dédié au cinéma, où visiblement l'auteur de l'article n'avait pas vu la projection du film car son résumé de l'action n'avait rien à voir avec l'œuvre projetée! 

En fait de ce point de vue on assiste à la mise en pièce de deux auteurs du fait leurs opinions non Républicaines ou non soutien du régime de Napoléon III.  

Le reproche essentiel à mon sens à leur faire est leur antisémitisme déclaré. Contemporain de l'Affaire Dreyfus, Edmond meurt en Juillet 1896 chez Alphonse Daudet, à aucun moment l'affaire n'est évoqué et à de multiples endroits le sentiment anti juifs est présent sans le moindre doute là dessus. On sent d'ailleurs dans les dernières pages du journal que Zola est de moins en moins présent bien que pourtant cité lors du Banquet donné en l'honneur d'Edmond pour sa remise de Croix d'officier de la légion d'honneur par Raymond Poincaré, au cours duquel Zola comme Daudet interviendront pour lui rendre hommage. 

Doit-on lui reprocher son antisémitisme? Evidemment et sans le moindre ambages, mais ne nous y trompons pas ce comportement est général dans toute  l'Europe du XIXe siècle  et se double en même temps d'un anti germanisme revanchard dont on a vu les conséquences en  1914.  L'antisémitisme est présent partout dans la société, du haut jusqu'au bas de l'échelle sociale; ce n'est pas une excuse, c'est un fait, mais cela ne permet pas de condamner sur toute la ligne un écrivain comme un compositeur et de le mettre au ban de la société sauf s'il venait  à cautionner les monstruosités que nous avons vécu dans la première moitié du XXe siècle. 

Houston-Chamberlain, le gendre de Wagner fait parti de ce genre d'individu ignoble mais le compositeur ne l'a eu pour gendre qu'à titre posthume si l'on peut dire, étant mort depuis 25 ans quand il épouse sa fille Eva, née du premier mariage de sa femme Cosima avec Hans von Bulow. De plus on l'oublie un peu vite Wagner, dans les dernières années de sa vie, avait catégoriquement rejeté les idées de Arthur de Gobineau les traitant " d'ordre complètement  immoral ". 

Le Français n'avale pas de gaité de cœur à l'époque, l'annexion de l'Alsace Lorraine par l'Allemagne, après la défaite de 1870. La main mise de l'armée dans la vie politique française des débuts de la IIIe République associée  à ces deux caractères précédents conduiront au scandale de l'affaire Dreyfus. Sa réhabilitation au début du XXème siècle ne donnera pas le courage d'aller jusqu'au bout au pouvoir militaire ce qui entrainera la démission de Dreyfus en 1907 sauf erreur de ma part.. Cela a-t-il changé aujourd'hui? Personnellement j'en doute, pas plus que la xénophobie sous jacente et que l'on essaie de masquer en permanence par des déclarations ronflantes à droite comme à gauche. Le nationalisme soit disant patriote est une caractéristique bien de chez nous et nous n'avons pas le courage de nous regarder dans la glace. 

Je conclurai en disant que ce journal m'a autant pris que celui,  pour le coup d'une vraie langue de vipère,  du Comte de Viel Castel, autre habitué du salon de la princesse Mathilde,  recouvrant exactement la même période. Je serai curieux de lire la nouvelle et dernière édition du journal qui m'a l'air, par la description de la façon dont il est publié, de devoir être tout aussi passionnant sinon plus que ma propre édition. C'est l'histoire en temps réel, que demander de plus et en prime écrit dans une langue remarquable ce qui fait bien défaut aujourd'hui à nombre de livres souvent primés.

 

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